Arbustes : Tailler moins mais tailler mieux

La taille raisonnée est de plus en plus souvent mentionnée dans les CCTP de marchés publics, signe que les mentalités évoluent du côté des collectivités. Également appelée “taille douce”, cette taille effectuée de manière non systématique au sécateur en fonction du besoin de chaque arbuste à le vent en poupe auprès des donneurs d’ordre publics pour plusieurs raisons : elle permet d’une part de réduire les temps d’intervention (avec donc à la clé des économies), mais aussi de limiter les volumes de déchets verts produits (en accord avec les engagements environnementaux croissants des villes) tout en offrant, si elle est bien réalisée, des arbustes en meilleure santé et plus fleuris. Mais ce changement de paradigme nécessite, pour être mis en œuvre, de connaître les modes de développement et de floraison des arbustes. L’objectif de cet article est de vous en présenter les grandes lignes.

Les arbustes d’ornement sont omniprésents dans les aménagements urbains. Leur gestion, principalement axée sur la taille d’entretien, est une opération très chronophage pour les jardiniers des collectivités et des entreprises prestataires et constitue un poste de charge important pour les donneurs d’ordre publics. Généralement effectuée à l’automne ou en fin d’hiver, elle est la plupart du temps faite au taille-haie de manière non différenciée. Il en résulte des massifs uniformes, avec des arbustes taillés en carré ou en boule et généralement assez peu fleuris. Sans compter le volume conséquent de déchets verts produits, qu’il faut ensuite évacuer vers une plateforme de compostage (ce volume représenterait ¾ des déchets verts produits sur l’année par une collectivité).

Face à ce constat médiocre, il faut repenser la taille d’entretien des arbustes pour aller vers une taille raisonnée. Effectuée principalement au sécateur, elle doit être non systématique et limitée au strict nécessaire pour contenir le végétal tout en maintenant sa vigueur et en favorisant sa floraison. Un peu à l’image de ce qui se fait déjà déjà depuis quelques années pour la tonte, avec la généralisation dans les collectivités de la gestion différenciée des espaces enherbés.

Les raisons d’opter pour la taille raisonnée

La taille sélective des rameaux au sécateur présente de nombreux avantages sur la « tonte » systématique au taille-haie :

• Gain de temps : contrairement aux idées reçues, l’utilisation d’un taille-haie multiplie par 2 ou 3 la durée de l’intervention en raison du volume de déchets important produit (2 personnes qui ramassent les déchets de coupe pour une qui taille généralement).
• Gain d’argent : cela découle à la fois du gain de temps évoqué précédemment mais aussi de la réduction du volume de déchets produits, dont le coût de recyclage est non négligeable .
• Gain pour la biodiversité : maintien voire augmentation du potentiel de floraison des arbustes et, le cas échéant, de la fructification.
• Économie d’énergie et diminution des émissions de CO2 par rapport aux taille-haies thermiques
• Réduction des nuisances sonores pour les riverains : quoi de plus silencieux qu’un sécateur en action !

Mais le recours à cette taille raisonnée nécessite en premier lieu de bien connaître les différents modes de développement et de floraison des arbustes pour pouvoir tailler chaque arbuste de la manière la plus adaptée à sa physiologie. Ce travail pédagogique, porté depuis des années par Pascal Prieur, a été repris dans les Règles professionnelles de l’Unep portant sur les « Travaux d’entretien des arbustes ». Nous vous en présentons ici les grands principes.

Les principaux modes de développement des arbustes

Tous les arbustes ne se développement pas de la même façon. On distingue trois modes principaux de développement : l’acrotonie, la basitonie et la mésotonie.

L’acrotonie

Les plantes acrotones se ramifient en développant plus fortement les bourgeons situés à l’extrémité des rameaux de l’année précédente (comme c’est le cas chez la plupart des arbres).

Exemple : Cercis, tous les Cornus à l’exception des C. alba et stolonifera, Elaeagnus persistants, Euonymus persistants, Hamamelis, Ilex, Ligustrum, Lagestroemia, Malus, Pieris, Photinia, Prunus, mais aussi les lavandes, le thym, les bruyères…

Contrairement aux basitones, les plantes acrotones ne nécessitent aucune taille pour maintenir leur vigueur. En revanche, elles prennent régulièrement du volume et il peut être nécessaire de les contenir par la taille. Mais il faut éviter la taille « haute » au taille-haie qui stimule la pousse des rameaux terminaux et engendre un cycle infernal : plus on taille, plus ça pousse.

La basitonie

Les plantes basitones se développent en produisant chaque année des ramifications à partir de la base de la souche ou des rameaux existants (ou directement à partir de stolons ou de racines). Les pousses sont d’autant plus vigoureuses qu’elles sont proches de la souche. La basitonie peut disparaître en absence de taille.

Les plantes typiquement basitones ne grandissent quasiment plus une fois le système racinaire bien implanté (2 à 4 ans). Leur développement en hauteur est généralement limité, malgré quelques exceptions (cultivars vigoureux de Deutzia, Philadelphus…).

Exemple : Abelia, Caryopteris, Cornus alba, petits Deutzia, Forsythia, Fuchsia magellanica, Perovskia, petits Philadelphus, Spiraea, Weigelia…

Si leur taille annuelle n’est pas toujours nécessaire, elle permet de régénérer la plante en supprimant les vieux rameaux directement sur la souche. La taille au taille-haie est à proscrire impérativement sur ces végétaux car une taille haute entraîne des repousses verticales et vigoureuses.

 La mésotonie

Certaines plantes développent chaque année des pousses vigoureuses vers le milieu des rameaux préexistants, tout en perdant la vigueur des extrémités des bois de plus d’un an.

Exemples : grands Berberis, Buddleja alternifolia, Cotoneaster, Deutzia, Kolkwitzia, Lonicera, grands Philadelphus, Sambucus…

Pour ces arbustes, la taille n’est pas une nécessité mais permet une limitation du volume et une régénération partielle des rameaux.

 

 

Quand tailler ?

Les périodes de taille conseillées sont à adapter en fonction du mode de floraison de l’arbuste et de son époque de floraison.

Le mode de floraison

• Plantes fleurissant sur les bois de l’année : à tailler en fin d’hiver.

Exemples : Campsis, Caryopteris, céanothe à feuilles caduques, Ceratostigma willmottianum, Diervilla, Fuchsia magellanica, Hibiscus, Hydrangea arborescens et paniculata, Indigofera, Lagerstroemia, lavatère, Lespedeza, Leycesteria, Perovskia, Phygelius capensis, rosiers remontants, spirées d’été, Vitex.

• Plantes fleurissant sur les bois d’un an ou plus : à tailler après la floraison.

Exemples : Abelia, céanothe à feuillage persistant, ciste, Deutzia, Escallonia, Forsythia, Hydrangea macrophylla, serrata, quercifolia, Kerria, Neillia, Philadelphus, Physocarpus, spirées de printemps, Syringa, Weigelia, Wisteria.

 L’époque de floraison :

• Floraison printanière :
  • Pour les plantes acrotones : tailler de préférence après la floraison
  • Pour les plantes basitones : elles peuvent être taillés en éclaircie sur souche l’hiver précédent, en prenant soin de ne pas raccourcir les rameaux conservés.
• Floraison estivale : prévoir une taille hivernale.
• Floraison hivernale : tailler après la floraison, en fin d’hiver.

 Les périodes à éviter

Il y a en règle générale deux périodes fortement déconseillées pour la taille :

• Juste avant la chute des feuilles :  il faut en effet laisser aux substances nutritives accumulées dans les feuilles le temps de migrer vers l’intérieur de la plante pour une bonne mise en réserve.
• Juste au moment du débourrement : car ce sont les jeunes feuilles qui vont permettre à la plante de repartir.

Comment tailler ?

Eclaircie sur souche sans réduction

Sélection d’axes à conserver et suppression du vieux bois le plus près possible de la souche, sans réduction des rameaux conservés. Cette taille est particulièrement adaptée aux végétaux basitones.

Exemple : Weigela, Forsythia, Potentilla

Eclaircie sur souche avec réduction

• Principe 1 : Suppression intégrale d’axes sur la souche et réduction des axes conservés Cette taille est adaptée aux plantes basitones fleurissant sur les bois de l’année comme les spirées d’été ou les Rosa rugosa.

 

• Principe 2 : Suppression intégrale d’axes sur la souche et réduction des rameaux des axes conservés. Cette taille est adaptée aux arbustes mésotones ou faiblement acrotones pourvues d’une basitonie comme les rosiers arbustifs.

 

Réduction sur relais

Cette taille, effectuée principalement sur les arbustes acrotones pour réduire leur volume, consiste à supprimer les axes dominants au niveau d’un « relai potentiel », c’est-à-dire un rameau existant qui va devenir le prolongement naturel de l’axe. Ce dernier ne doit pas être réduit.

 

 

 

 

Réduction sur charpente (avec ou sans prolongement)

Maintien des axes d’origine (la charpente) avec réduction ou suppression complète des axes de l’année précédente. Cette taille est réservée aux plantes acrotones fleurissant sur les bois de l’année comme les Hibiscus ou les Lagerstroemia.

Tonte ou taille en touffe

Cette taille, réalisée au taille-haie ou à la cisaille, consiste à couper tous les rameaux qui dépassent sur la périphérie de manière à conserver un volume donné. Elle est bien adaptée pour les essences strictement acrotones n’ayant pas la capacité de repercer sur un bois âgé dépourvu de feuilles. Attention à ne pas tailler trop court car, dans ce cas-là, la plante pourrait ne pas repartir.

Exemple : Buxus, Cistus, Cytisus, Erica et Calluna, Genista, Lavandula, Pittosporum tenuifolium, Rosmarinus, Salvia officinalis, Santolina, Teucrium, Thymus.

 

Recépage ou rabattage total sur souche

Cette taille consiste à couper tous les rameaux au-dessus du collet ou du point de greffe. Une base de charpente peut éventuellement être gardée (coupe à 15 à 20 cm du sol) sur un arbre acrotone ou mésotone pour densifier les rameaux. Le recépage permet de régénérer une plante, de pratiquer une conversion de taille ou de privilégier les jeunes axes qui peuvent avoir un intérêt décoratif comme pour les Cornus alba ou stolonifera.

Cette taille est possible sur une grande majorité des plantes mais plutôt conseillée sur les basitones.

Il est d’ailleurs possible de ne pas intervenir pendant plusieurs années et de procéder à un rabattage total sur souche tous les 3 à 5 ans, selon les plantes.

 

Pour aller plus loin :

• Guide simplifié sur la taille raisonnée (réalisé par Pascal Prieur pour le département de la Mayenne) : il indique notament les types de taille pour les espèces d’arbustes les plus fréquentes
• Règle profestionnelle  de l’Unep “Travaux d’entretien des arbustes” : présentation détaillée des différents types de taille.
• Acrotones, mésotones ou basitones ? : ces pages extraites d’un livre de Pascal Prieur vous indique, espèce par espèces, les modes de ramification, de floraison ainsi que le maintien éventuel de l’aspect esthétique de la plante en absence de taille.
• Les Arbusticulteurs : cette association, créée notamment par Pascal Prieur et Jac Boutaud en 2007, milite pour une gestion durable des arbustes en ville ; elle mène notamment des expérimentations sur les techniques d’implantation des massifs d’arbustes, les tailles d’entretien, les meilleures pratiques de gestion en fonction des espaces où ils se trouvent.
  
• Pascal Prieur : cité maintes fois fois dans cet article, Pascal Prieur donne des formations en entreprise autour de la taille raisonnée ; il a aussi publié trois livres dédiés à ce sujet :
  • “Tailler facilement tous les arbustes d’ornement” : un livre plutôt destiné aux débutants
  • “Fondamentaux & Pratique de la taille raisonnée des arbustes” : deux livres se destinant plutôt aux jardiniers confirmés.