Engazonnement : Bien choisir son mélange
Publié le 20/10/22
Pour faire le bon choix de mélange, il faut tenir compte des conditions climatiques locales, des contraintes du site, mais aussi de l’usage qu’il sera fait de la pelouse. Les performances écologiques et économiques du mélange sont aussi de plus en plus regardées. Or, des différences importantes existent entre les espèces pour ces différents critères. Voici quelques pistes pour ne pas se tromper.
Dans un précédent article, nous vous présentions les principales caractéristiques des espèces de graminées présentes dans les mélanges de semences gazon. Comme vous avez pu le voir, chacune a ses points forts et ses points faibles et il n’existe pas d’espèce « parfaite » capable de s’adapter à toutes les situations (même si le ray-grass anglais se démarque ces dernières années grâce notamment à la sélection variétale). Plusieurs espèces sont donc habituellement associées dans les mélanges afin de bénéficier des atouts de chacune.
Pour ne pas se tromper dans le choix du mélange, il est donc nécessaire d’analyser chaque situation et de déterminer les espèces les plus adaptées en fonction de ses contraintes et de ses critères principaux. C’est le choix et la complémentarité des espèces du mélange qui détermineront le succès de l’opération.
Les critères de choix
Les contraintes du milieu
Ces contraintes doivent être évidement prises en compte, sous peine de sérieuses déconvenues. En voici la liste :
- La situation géographique du site, qui détermine :
- Les conditions climatiques subies par le gazon : en fonction des zones climatiques, les hivers seront plus ou moins rudes, les étés plus ou moins chauds et les précipitations plus ou moins importantes. Ainsi, en montagne où les hivers sont plus marqués, on favorisera les fétuques rouges gazonnantes aux ray-grass anglais ou aux fétuques élevées, qui font triste mine si l’hiver se prolonge. Dans les situations les plus méridionales, les cynodons, seuls ou associés à des fétuques, ont les meilleures capacités de résistance à la sécheresse, à la chaleur et au sel (mais leur dormance hivernale constitue encore un frein à leur adoption).
- La proximité de la mer : en bord de mer, il faudra privilégier les graminées qui tolèrent le sel apporté par les embruns, comme la fétuque élevée ou la fétuque rouge demi-traçante.
- La situation « locale » de la pelouse :
- Niveau d’ensoleillement : pour se développer correctement, la plupart des graminées ont besoin d’un ensoleillement suffisant ; par conséquent, si le terrain est fortement ombragé, il faudra éviter le ray-grass anglais (plutôt fait pour les situations ensoleillées ou l’ombre partielle) et vous orienter vers des espèces tolérantes comme les fétuques rouges.
- Risque de submersion : certaines parcelles, situées en bordure de cours d’eau, peuvent également être régulièrement submergées lors de crues printanières ou automnales. Il faudra donc privilégier les mélanges riches en fétuques élevées et, pour les sols sportifs, les agrostides stolonifères.
- Les caractéristiques du sol :
- La nature du sol : elle influence fortement le choix des graminées. Ainsi, un sol plutôt sableux présente l’avantage de se réchauffer rapidement au printemps mais le gros inconvénient de se dessécher très vite l’été. Il faudra donc privilégier sur ce type de sol les espèces résistantes à la sècheresse comme les fétuques élevées ou ovines pour éviter d’avoir à utiliser des mètres cubes d’eau pour conserver un gazon vert l’été. A l’opposé, un sol argileux retient bien l’eau l’été mais peut devenir hydromorphe l’hiver ; dans ce cas-là, un mélange à base de pâturin commun peut être la solution.
- Son pH et sa teneur en matière organique : la plupart des graminées apprécient un pH compris entre 6,5 et 7 (neutre) mais les agrostides peuvent accepter des sols acides ou alcalins (de pH 5,5 à 8,5). De la même façon, certaines graminées nécessitent un sol riche pour s’épanouir correctement. Si le sol est pauvre, il vaudra mieux s’orienter vers des espèces rustiques comme les fétuques rouges ou ovines.
Les différences de comportement existantes entre espèces permettent ainsi de répondre aux différentes contraintes de milieu. Le tableau ci-dessous synthétise les espèces adaptées à chaque situation :
La qualité esthétique attendue
L’aspect esthétique d’une graminée à gazon se mesure par la finesse de son feuillage, la densité des brins et sa couleur (plus précisément l’intensité de son « vert »).
Mais attention, tout le monde n’a pas les mêmes exigences quant à l’esthétique de son gazon. Certains clients privilégieront un beau vert intense, alors que d’autres s’agenouilleront sur le gazon pour évaluer la finesse des brins d’herbe; d’autres enfin rechercheront plutôt un gazon très dense, avec un rendu de type « moquette ». Il convient donc de définir précisément avec votre client le rendu attendu et son ou ses critères esthétiques principaux pour choisir un mélange à la fois adapté à son terrain et à ses attentes.
Le tableau ci-dessous indique la note des différentes espèces à gazon (moyenne des notes des variétés de chaque espèce inscrites au catalogue officiel français en 2018 ; l’échelle va de 1 à 9, 1 étant la note la moins bonne et 9 la meilleure) :
La résistance au piétinement
Au niveau des gazons de particuliers, l’importance de ce critère varie selon les circonstances. Ainsi, en présence d’enfants, il vaudra mieux opter pour des espèces résistantes. Idem pour les zones engazonnées fortement empruntées.
Côté pelouses urbaines, la résistance au piétinement est de plus en plus recherchée car les citadins acceptent de moins en moins les espaces verts fermés (d’où la disparition des panneaux « pelouses interdites »).
Pour les terrains de sport, cette indispensable résistance au piétinement est généralement complétée par la résistance à l’arrachement, qui se révèle très importante pour les conditions de jeux hivernales.
Si la fléole est à la fois très résistante au piétinement et à l’arrachement, sa difficulté d’implantation et les faibles quantités de semences disponibles font qu’elle est très peu utilisée. C’est généralement le ray-grass anglais qui lui est préféré sur ce critère, d’autant qu’il possède d’autres qualités notamment en matière de finesse du feuillage.
Arrivent ensuite la fétuque élevée et le pâturin des prés. Ce dernier est particulièrement apprécié pour les utilisations sportives (en complément d’une espèce principale comme le RGA) en raison de son développement rhizomateux, qui le rend à la fois résistant à l’arrachement ert lui permet de reconquérir rapidement les zones abimées.
L’intérêt écologique et économique
En matière de gazon, les critères économiques et environnementaux se rejoignent souvent. Ainsi, le choix d’espèces adaptées (mais aussi de variétés performantes) permet de réduire la fréquence des interventions de tonte/désherbage et d’éviter le recours à des produits phytosanitaires (encore autorisés sur les terrains de sport de haut niveau). Autant de gains pour l’environnement et d’économie de temps et d’argent pour le gestionnaire de l’espace engazonné.
Voici une synthèse de ces avantages économiques et environnementaux :
Voici quelques espèces intéressantes pour certains des critères évoqués :
L’utilisation prévue du mélange
Enfin, les espèces présentent des différences importantes de vitesse d’installation. Comme nous l’avons vu dans l’article consacré aux espèces, on peut ainsi aller d’une germination en 4 à 8 jours pour un ray-grass anglais à une germination supérieure à 15 jours pour une fétuque ovine ou un pâturin des prés.
Par conséquent, le type d’utilisation envisagée et le délai disponible conditionnent fortement le mélange à retenir. Ainsi, pour un semis classique, on pourra choisir un mélange composé d’espèces répondant aux critères vus précédemment. En revanche, pour un regarnissage ou des réparations (d’autant plus si les délais sont courts), on privilégie généralement un mélange riche en ray-grass anglais qui s’implante rapidement. Certains ray-grass sont en plus « traçants », ce qui leur permet de combler les trous encore plus rapidement.
Un autre élément à prendre en compte est la date du semis. Dans le cas d’un semis automnal avec des températures déjà fraiches, il faudra privilégier des espèces qui germent à basse température, comme le ray-grass d’Italie Westerworld qui est capable de germer à une température de 6°C.
L’usage de la pelouse
L’usage prime sur la plupart des critères évoqués précédemment. De fait, les grands types de mélanges gazons sont établis en fonction de leur principal usage :
- La pelouse d’ornement : les critères esthétiques prennent ici le pas sur tous les autres. L’entretien est optimisé : arrosage automatique, tontes fréquentes et de qualité (éventuellement à l’hélicoïdale), fumures régulières, désherbages… Si les ray-grass anglais les plus fins peuvent avoir leur place, on privilégiera plutôt les fines fétuques rouges gazonnantes et ½ traçantes. SI une tonte rase à l’hélicoïdale est envisagée, on peut même aller sur les agrostides, des espèces utilisées sur les greens de golf aux exigences d’entretien importantes.
- La pelouse d’agrément/détente : c’est le gazon type des jardins de particuliers et des parcs publics. Piétiné, il doit être facile à entretenir et présenter une bonne pérennité. Les ray-grass anglais sont incontournables, mais accompagnés d’une bonne part de fétuques. On privilégiera les fétuques élevées si la résistance au sec et la solidité sont deux critères essentiels (terres séchantes, zone sud de la France) et les fétuques rouges pour des zones plus fraîches et océaniques.
- La pelouses sport : la résistance au piétinement est, ici, le premier critère, avec également la densité et la capacité de régénération. Ces gazons ont tous une forte proportion de ray-grass anglais. Le reste du mélange (à hauteur de 40 à 60 %) est composé de fétuques élevées si la résistance à la sècheresse est importante ou/et de pâturins des prés.
Tableau de synthèse des compositions des mélanges par type d’usage :
A noter que le CTPS, qui évalue toutes les variétés inscrites au catalogue officiel français, fournit dans ses notations deux index tournés vers l’utilisation de la pelouse : « Index agrément » et « Index sport » (consultables sur le site Choix du Gazon). Ils sont conçus en pondérant les caractères par rapport à leur importance pour chacune des utilisations :
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L’échelle de notation va de 1 à 9, 1 étant la note la moins bonne et 9 la meilleure (Crédit Semae). Index Agrément = (3 x tolérance au piétinement) + (2 x aspect esthétique global) + (1 x aspect esthétique été) + (1 x aspect esthétique hiver) + (1 x densité du gazon) + (1 x finesse des feuilles) + (1 x pérennité)
- Index Sport = (5 x tolérance au piétinement) + (2 x densité gazon) + (1 x aspect esthétique été) + (1 x aspect esthétique hiver) + (1 x aspect esthétique global).
Le tableau ci-contre donne ainsi la moyenne des notes par espèces des index agrément et sport des différentes variétés de l’espèce inscrites sur les listes du Catalogue officiel français gazon. Le ray-grass anglais sort clairement en tête dans les catégories, en raison notamment de sa bonne résistance au piétinement.
Les normes de qualité
Matériel végétal utilisé dans les mélanges
Dans les mélanges commercialisés en France pour les pelouses, on trouve actuellement 3 grandes familles de plantes :
- Des graminées à gazon : les espèces à gazon et leurs variétés sont inscrites sur le Catalogue officiel français (COF) des semences à gazon (accessible en version simplifiée sur le site Choix du Gazon). Les caractéristiques des variétés améliorées pour les gazons sont les suivantes : pousse lente (ce qui nécessite moins de tontes), résistance aux maladies, pérennité, résistance au piétinement, densité importante (couverture du sol et limitation du développement des adventices).
- Les graminées herbacées, « à usage non fourrager » (cynodon, kikuyu, le ray-grass westerworld évoqué précédemment…) : non inscrites sur une liste officiel gazon (mais pouvant le devenir), elles s’adaptent à certaines contraintes du milieu (ombre, sol séchant ou humide…)
- Les petites légumineuses (micro-trèfles, micro-luzerne, lotier…) : ces dicotylédones sont intéressantes pour leur capacité à fixer l’azote atmosphérique (ensuite restitué aux graminées associées) et à rester vertes l’été en absence d’arrosage. Sélectionnées pour conserver une pousse limitée en hauteur, elles correspondent aujourd’hui bien à un usage gazon mais ne sont pour l’instant pas inscrites au COF (mais des demandes d’inscription de ces nouvelles espèces sont en cours).
Nous nous sommes focalisés dans cet article sur les graminées à gazon car ce sont les seules qui ont été étudiées par un organisme indépendant et dont les performances sont connues et publiques (voir le site Choix du Gazon). Avant d’être inscrites au catalogue, elles ont en effet été cultivées pendant 3 ans dans des conditions d’entretien de gazon, observées et notées sur une dizaine de critères. Elles doivent apporter un plus « technique » sur les variétés témoins pour entrer dans le catalogue. En outre, leur adaptation aux usages « agrément » ou « sport » est connue à travers les deux index évoqués précédemment.
Des termes bien encadrés pour les mélanges
L’Article 2 de l’arrêté du 26 juin 2016 définit clairement les appellations autorisées pour les mélanges destinés à une utilisation gazon. On peut ainsi trouver sur le marché deux grands types de mélanges :
- Les « mélanges de semences pour gazon » (ou « mélanges gazon ») : ces mélanges doivent être composés exclusivement de variétés de graminées non fourragères inscrites pour un usage gazon aux catalogues officiels français ou d’un autre état membre de l’Union européenne.
- Les autres mélanges, souvent appelés « mélanges pelouse » : selon l’appellation officielle, ce sont des « mélanges de semences à usage non fourrager » ; ils sont composés d’espèces de plantes fourragères figurant à l’annexe I (sections A et B) de l’arrêté du 2 octobre 2017 mais non inscrites sur les catalogues officiels européens.
Une qualité française au-dessus des normes
Les lots de semences pures incorporés dans un mélange doivent répondre à des normes de qualité, évaluées par le SOC (Service Officiel de Contrôle et de Certification). Ces normes portent sur le taux de germination (ou « faculté germination ») et sur la pureté. Comme vous pouvez le voir sur le tableau ci-dessous, la qualité de la production française est très élevée et largement au-dessus des normes :
Certifications de qualité supérieure
Les mélanges de semences proposés dans le commerce peuvent être de qualité aléatoire. Par ailleurs, il n’y a pas de règlementation concernant la composition du mélange. Ainsi, il est tout à fait possible de mettre sur le marché un « mélange sport regarnissage » composé à 100 % de fétuque rouge traçante, ce qui correspond à une véritable tromperie du consommateur, compte tenu des caractéristiques de cette espèce.
La seule façon pour l’utilisateur d’être sûr d’avoir un mélange qui correspond à l’usage mis en avant est de se tourner vers les deux labels existants pour les gazons : le fameux « Label Rouge » décliné pour les gazons et la marque « Pelouse Eco Durable ». Ces labels reposent en effet sur des cahiers des charges bien définis.
Label Rouge
C’est le seul label officiel de qualité, lancé en 1987 par le ministère de l’Agriculture et contrôlé par l’INAO.
Les mélanges qui portent le « Label Rouge Gazon de Haute Qualité » répondent au règlement technique « Label Rouge » et sont composés des meilleures variétés de semences à gazon inscrites au catalogue officiel français.
Le label distingue trois catégories d’usage (sports et jeux, détente et agrément, ornement) et définie les pourcentages de chaque espèce dans le mélange selon l’usage. Il introduit également des spécialités par usage
Pelouses Eco Durables
Cette marque interprofessionnelle, lancée par Progazon et aujourd’hui détenue par la SFG, vise à mettre en avant les mélanges respectueux de l’environnement. Les critères de sélection sont les suivants:
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- Économie d’eau
- Réduction des déchets de tonte
- Fertilisation modérée
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Les compositions sont basées principalement sur les espèces et variétés figurant au Catalogue officiel français des graminées à gazon, mais peuvent intégrer des espèces n’y figurant pas qui présentent un intérêt environnemental avéré en usage gazon. Ainsi, les trèfles et luzernes gazonnants, les dactyles, les fétuques bleues, le koeleria, le cynodon peuvent par exemple être incorporés.
Les normes de composition sont différentes pour les 3 catégories de gazons et sont définies dans l’Annexe 2 du règlement technique :
Pour aller plus loin :
- Un outil d’aide à la décision : proposé par le SEMAE, cet outil permet d’orienter l’acheteur vers les espèces de graminées les plus adaptées en fonction de la situation géographique de la pelouse, de son usage et de l’opération envisagée (semis, sursemis ou regarnissage). Il est toutefois assez “rudimentaire”.
- Règlementation liée à la commercialisation des semences : ensemble des textes règlementaires européens et français réunis sur le site du SEMAE
- Règlement technique de la marque “Pelouse Eco Durable”