Zones à Faibles Émissions : Les solutions pour les professionnels
Publié le 12/09/22
L’obligation de mettre en place d’ici 2025 des “Zones à faibles émissions mobilité » (ZFE-m) dans les 45 plus grandes métropoles françaises représente un défi majeur pour les entreprises du paysage, dont les véhicules sont majoritairement diesel. Tour d’horizon de la situation et des solutions existantes pour convertir son parc.
L’Agence européenne pour l’environnement estime que l’exposition à la pollution atmosphérique contribue chaque année à 400 000 décès prématurés dans l’Union Européenne (dont 40 000 décès annuels en France attribuables aux particules fines PM2.5 selon Santé Publique France). Face à cette situation, le Parlement européen a adopté en 2008 la Directive 2008/50/CE qui régit notamment les émissions de particules fines (PM2.5, PM10) et de dioxyde d’azote (NO2).
Face à l’inaction de la France après plusieurs avertissements, la Commission européenne a décidé de durcir le ton en saisissant la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) en 2019 et 2020 pour dépassements des valeurs limites de concentration pour les particules fines PM10 et le NO2 dans une vingtaine d’agglomérations. En parallèle, un arrêt du Conseil d’État français du 4 août 20214 a condamné l’État à payer 10 millions d’euros pour ses mesures insuffisantes en matière de qualité de l’air et non-respect des seuils limites de PM10 et NO2.
Le point sur la règlementation en France
Mise en place d’un cadre juridique plus contraignant
Face aux pressions de l’UE, la France a adopté un cadre juridique plus contraignant pour réduire les pollutions atmosphériques liées au transport.
Les Zones à Faibles Emissions mobilité (ZFE-m) ont été instaurées en 2019 par la loi d’orientation des mobilités (LOM). Le principe d’une ZFE-m est d’interdire l’accès à une ville ou partie de ville pour les véhicules qui ne répondent pas à certaines normes d’émissions des polluants atmosphériques (PM, NO2, oxydes d’azote NOX…).
Trois métropoles étaient à l’origine concernées : Lyon, Grenoble, la Ville de Paris et la métropole du Grand Paris.
Mais, à la suite de la condamnation de l’État par le Conseil d’État, le décret n° 2020-1138 du 16 septembre 2020 a imposé à 7 autres métropoles ne respectant pas les seuils de manière répétée l’instauration d’une ZFE-m avant le 31 décembre 2020 : Aix-Marseille-Provence, Montpellier-Méditerranée, Nice-Côte d’Azur, Rouen-Normandie, Strasbourg, Toulon-Provence-Méditerranée, Toulouse.
En 2021, la loi « Climat et Résilience » a étendu l’obligation d’instaurer une ZFE-m avant le 31 décembre 2024 à toutes les agglomérations de plus de 150 000 habitants (Article 119), soit un total de 45 métropoles.
La loi accélère également la sortie du thermique et en particulier du diesel. Les ZFE-m existantes devront a minima interdire les véhicules essence et diesel Crit’Air 5 dès début 2023, les véhicules Crit’Air 4 en 2024 et enfin les véhicules Crit’Air 3 en 2025. Autrement dit, à partir de janvier 2025, seuls les véhicules répondant aux normes Euro 5 et 6 et porteurs d’une vignette Crit’Air 1, 2 ou verte devraient être autorisés à rouler dans les ZFE.
Le référentiel Crit’Air
Obligatoire pour tous les véhicules motorisés, la vignette Crit’Air est utilisée pour circuler dans les ZFE ou lors d’un pic de pollution en cas de circulation alternée. Elle classe les véhicules en fonction de leurs émissions polluantes en particules fines et oxydes d’azote. Ce classement dépend de 3 facteurs :
- La catégorie du véhicule : deux-roues, voitures, voitures utilitaires légers (VUL) et poids lourds
- Le type d’énergie ou de carburant utilisés : diesel, essence, gaz, électrique, hydrogène…
- La norme Euro du véhicule (directement liée à sa date de 1ère immatriculation) : cette norme européenne fixe aux constructeurs automobiles de véhicules essence et diesel des valeurs limites, de plus en plus contraignantes, d’émissions d’oxydes d’azote (NOx), de monoxyde de carbone (CO), d’hydrocarbures (HC) et de particules. Tous les véhicules neufs doivent donc être conformes à la norme Euro valide l’année de leur mise en circulation.
Ainsi, les véhicules électriques et hydrogènes non polluants bénéficient d’une vignette verte (Crit’Air 0). Les véhicules gaz et hybrides rechargeables sont en Crit’Air 1. Pour les véhicules essence et diesel, c’est fonction de la norme Euro du véhicule comme indiqué dans le tableau ci-dessous. Vous noterez que les véhicules diesel ne peuvent obtenir de Crit’Air 1.
Les obligations ville par ville
A l’exception de Toulon, neuf des dix métropoles devant instaurer une ZFE avant le 1er janvier 2021 ont dévoilé leur plan d’interdiction progressive des véhicules les plus polluants. En revanche, le calendrier des restrictions varie d’une agglomération à l’autre et toutes ne sont pas au même niveau d’engagement comme vous pouvez le voir dans le tableau ci-dessous.
Retrouvez les mesures détaillées applicables dans les différentes agglomérations ayant mis en place une ZFE sur le site www.certificat-air.gouv.fr/ (au niveau de la carte située en bas à droite) ou directement sur le site de votre métropole.
A ce jour, l’interdiction des véhicules Crit’Air 2 (et donc de tous les véhicules diesel) n’est actée que dans cinq métropoles :
- En 2024 sur Paris (et 2030 pour l’ensemble des véhicules non électriques ou hydrogène)
- En 2025 sur Strasbourg et Grenoble
- En 2026 sur Lyon
- En 2028 sur Montpellier
Quid des véhicules professionnels ?
Des contraintes plus fortes que pour les particuliers
Les niveaux Crit’Air minimum exigés différent généralement entre les voitures de particuliers et les véhicules professionnels (fourgonnettes, fourgons, poids lourds), au détriment de ces derniers qui se voient imposer des contraintes plus fortes. Ainsi, sur la métropole de Lyon, la ZFE est inaccessible aux poids lourds et véhicules utilitaires légers classés Crit’Air 3, 4, 5 et non-classés depuis le 1er Janvier 2021, alors que l’interdiction des voitures Crit’Air 5 n’est effective que depuis le 1er Septembre 2022.
Les entreprises du paysage sont donc fortement impactées par ces restrictions. En effet, le parc de véhicules est majoritairement diesel et plutôt âgé, en raison d’un renouvellement beaucoup moins fréquent que dans d’autres filières comme le transport (du fait du faible kilométrage journalier parcouru).
Des dérogations existent
Mais ces interdictions ne sont pour l’instant que théoriques car les professionnels bénéficient souvent de dérogations. En effet, pour assurer la continuité des services indispensables et éviter aussi l’arrêt brutal des chantiers, la plupart des agglomérations ayant une ZFE ont mis en place différents niveaux de dérogations :
- Dérogations permanentes nationales et locales pour les véhicules d’intérêt général (dont les engins de service hivernal) ou les véhicules de convois exceptionnels.
- Dérogations temporaires de 3 ans généralement pour les bétonnières et les camions et camionnettes benne, porte-engins et citerne à eau.
- Dérogations temporaires étudiées individuellement: certaines métropoles accordent par exemple une dérogation pour les véhicules d’une entreprise qui peut justifier de l’achat de véhicules de remplacement avec un délai de livraison important.
Ces dérogations sont à vérifier sur le site dédié de votre métropole. La Métropole du Grand Paris n’accorde par exemple pas de dérogations temporaires pour les véhicules de chantier.
Sanctions possibles en cas de non-respect des restrictions
Les professionnels qui ne respectent pas les restrictions d’une Zone à Faibles Émissions peuvent se voir infliger une amende forfaitaire de 135 € pour les poids lourds et de 68 € pour les autres catégories de véhicules.
Mais, là-aussi, les métropoles font généralement preuve de clémence. Afin de laisser le temps aux entreprises de s’organiser, les contrôles sont pour l’instant « pédagogiques » et aucune sanction n’est appliquée. Là-aussi, il semblerait que la métropole de Paris soit la plus stricte, avec des amendes pouvant être données pour des infractions constatées à Paris intra-muros.
Les solutions pour s’équiper d’un véhicule propre
Malgré la clémence actuelle, les paysagistes travaillant dans les agglomérations concernées par les ZFE doivent étudier au plus vite les solutions disponibles pour convertir leur parc de véhicules s’ils ne veulent pas rester sur le carreau lors du durcissement des mesures. L’offre de véhicules « propres » est en effet encore limitée et les délais de livraison, déjà longs, pourraient encore s’allonger avec l’accroissement de la demande.
Le point sur les technologies « propres » disponibles
Du côté des véhicules utilitaires légers (VUL), l’offre est assez importante, avec une prédominance des motorisations électriques et GPL. Il est important de préciser que, par dérogation, les utilitaires électriques récupèrent en charge utile le poids perdu à cause des batteries.
En revanche, pour les poids lourds, le choix est encore restreint. Voici quelques pistes de réflexion pour le remplacement de votre camion diesel :
- Electrique (Crit’Air 0) :
- L’offre est en train de s’étoffer avec l’engagement sur ce segment des constructeurs Volvo Trucks, Mercedes, Scania, Renault Trucks…
- L’autonomie, généralement comprise entre 100 et 200 km, peut être un peu limite pour certaines entreprises éloignées des agglomérations.
- Il faut prévoir l’installation d’une infrastructure de recharge sur le site de l’entreprise.
- Côté prix, le ratio est de 3 à 4 fois le prix d’un véhicule diesel.
- Hydrogène (Crit’Air 0) : technologie prometteuse mais encore extrêmement chère.
- GPL-gaz de pétrole liquéfié (Crit’Air 1) : motorisation non proposée sur les camions.
- GNV-gaz naturel véhicule (Crit’Air 1) : consultez la carte des stations GNV en France pour savoir si vous en avez à proximité et si elles sont accessibles aux poids-lourds
- GNL (gaz naturel liquéfié) : très intéressant en termes d’autonomie, ce carburant nécessite de rouler beaucoup afin d’éviter l’évaporation du gaz ; il se destine donc plutôt aux transporteurs.
- GNC (gaz naturel comprimé) : dépourvu de l’inconvénient précédent, ce gaz offre en revanche beaucoup moins d’autonomie. Il faut donc prévoir de faire le plein tous les jours. Or, les stations GNC accessibles aux poids-lourds sont moins nombreuses que pour le GNL.
- B100 (Crit’Air 1): l’arrêté du 11 avril 2022 permet aux poids lourds circulant exclusivement avec le biocarburant B100 d’être éligibles à la vignette Crit’Air 1. Les professionnels faisant ce choix doivent prévoir l’installation de cuves sur leur site.
- ED95 (Crit’Air 1) : ce bioéthanol méconnu est composé à 95 % d’éthanol fabriqué à partir de résidus vinicoles et agricoles à la différence du bioéthanol classique issu de cultures dédiées ; en revanche, cette motorisation n’est proposée que par Scania (qui la développe depuis des années) et nécessite, en l’absence de stations, l’installation d’une cuve de stockage sur votre site. Le prix d’achat des camions acceptant l’ED95 est légèrement plus cher que les versions diesel.
Achat, location ou rétrofit
Pour passer à un véhicule propre, plusieurs solutions s’offrent à vous :
- L’achat ou la location longue durée : L’achat d’un véhicule propre est un investissement assez lourd, en raison d’une part du prix bien supérieur de ce type de véhicules mais aussi des transformations parfois nécessaires au niveau du site de l’entreprise (installation d’une cuve de carburant ou de bornes de recharge). Il faut aussi tenir compte de délais de livraison importants (minimum 1 an). Côté location longue durée, Michelin propose via sa solution WATEA une formule intéressante : moyennant un abonnement mensuel, ce prestataire vous trouve les véhicules électriques adaptés aux besoins de l’entreprise et installe également les bornes de recharge chez vous.
- La location courte durée : Pour des interventions ponctuelles en ZFE, les professionnels ont la possibilité de passer par de la location courte durée. Les loueurs comme Loxam ou Kiloutou proposent en effet quelques camionnettes électriques. Mais la disponibilité de ces véhicules est limitée et variable d’une agence à l’autre. Il vaut donc mieux anticiper ce besoin pour être sûr d’avoir un véhicule électrique le jour du chantier.
- Le rétrofit : cette solution « intermédiaire », qui consiste à conserver son ancien véhicule mais à remplacer le moteur thermique par un moteur électrique. En revanche, cela ne peut être fait que sur les véhicules de plus de 5 ans et par un installateur certifié par le constructeur sur le modèle en question. Cette conversion reviendrait à environ 9000 € pour une fourgonnette mais peut monter jusqu’à plus de 20 000 € selon les modèles. Là-aussi, les délais semblent importants sur les véhicules professionnels.
Des aides à la conversion
Les professionnels souhaitant remplacer leur véhicule interdit à terme par la ZFE peuvent bénéficier d’aides à la fois de la métropole en question, de la région et aussi de l’Etat (prime à la conversion, bonus écologique, surprime ZFE).
Ces aides peuvent concerner l’achat ou la location d’un véhicule propre mais aussi la transformation du véhicule vers une motorisation électrique ou gaz (« rétrofit »). Ces aides sont évidemment soumises à des critères d’éligibilité (localisation de l’entreprise, chiffre d’affaires, nombre de salariés…) et ne peuvent concerner qu’un nombre limité de véhicules (variable suivant la localisation de l’entreprise).
Le montant de ces aides est variable mais peut représenter jusqu’à la moitié du prix d’achat du nouveau véhicule.
A noter que l’Ademe a lancé en mars 2022 un appel à projet pour bénéficier d’une « superaide » pour l’achat de poids lourds électriques pouvant aller jusqu’à 100 000 € par véhicule (65 % du surcoût par rapport à un véhicule diesel) et même 150 000 € pour les véhicules tracteurs. L’Etat proposait aussi de participer à hauteur de 60 % des coûts d’installation des bornes de recharge dans les entreprises. Cette initiative est malheureusement aujourd’hui clôturée. Espérons qu’elle soit renouvelée prochainement pour encourager les entreprises à franchir le pas.
Enfin, si vous souhaitez acquérir un véhicule propre mais ne disposez pas de garanties financières, le gouvernement met en place un microcrédit « véhicules propres ». Son montant, calculé selon les revenus du demandeur, peut atteindre 5 000 €, cumulables avec le bonus écologique et la prime à la conversion. Il peut être étalé sur une durée maximale de 5 ans et est garanti à 50% par le fonds de cohésion sociale géré par BPI France.
Pour aller plus loin :
- Point sur la situation des ZFE dans les différentes villes concernant les véhicules professionnels : https://www.watea.green/fr/actualites/reglementation-et-fiscalite/zfe-zone-faible-emission-france-situation/
- Plus d’infos sur le GNV : https://www.gaz-mobilite.fr/dossiers/camions-gnv-gnl-presentation/
- Plus d’infos sur l’ED95 : https://www.transportissimo.com/episode-3-ed95-biocarburant-eligible-crit-air1/
- Plus d’infos sur le rétrofit : https://www.ecologie.gouv.fr/tout-savoir-sur-retrofit-electrique
- Pour tout savoir de la prime à la conversion, du bonus écologique et du micro-crédit pour l’achat d’un véhicule propre :